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Les auteurs et les autrices (iels) argumentent autour de quelques axes et font un certain nombre de recommandations qui méritent d’être débattues.

Les axes proposés sont : Mieux mesurer le sexisme, Faire reculer le sexisme en permettant de mieux le comprendre, Faire reculer le sexisme en condamnant mieux, Accompagner les victimes du sexisme, garantir une action publique exempte de tout sexisme en assumant un discours d’égalité porté au plus haut niveau de l’Etat.

Iels mettent l’accent sur l’idéologie et les actes contre les femmes, l’humour et les injures – une violence quotidienne, la grande tolérance sociale envers les manifestations du sexisme.

La définition habituellement usitée du sexisme passe sous silence « la notion même de hiérarchie et de croyance en l’infériorité des femmes vis-à-vis des hommes » et présente une vision « neutre » laissant entendre qu’une « réciprocité serait possible ».

Les auteurs et autrices abordent le système inégalitaire, le système de domination des hommes sur les femmes, les clichés (terme préférable, me semble-t-il, à celui de préjugés ou stéréotypes) qui participent à la légitimation de cette inégalité. Le genre est un système hiérarchisé et hiérarchisant, imbriqué avec d’autres rapports sociaux (intersectionnalité).

Iels discutent, entre autres, de galanterie, « dissimuler l’inégalité sous les fleurs », de « culture des violeurs » (chosification des femmes, mise en scène publicitaire du viol, dépolitisation de ce crime, présomption de responsabilité des victimes, empathie avec les agresseurs/auteurs), de normes sociales sexistes :

le langage, « le masculin l’emporte sur le féminin », le mésusage du masculin comme neutre…

l’invisibilisation des femmes dans les programmes scolaires et les politiques mémorielles, leur effacement de la mémoire collective, « le terme « patrimoine » est d’ailleurs extrêmement éloquent à cet égard », les discours androcentrés…

les dépenses publiques, sous couvert de neutralité, s’adressant en réalité avant tout aux hommes ; iels y opposent la notion d’éga-conditionnalité (la subordination des financements au respect de l’égalité femmes-hommes…

le droit et son évolution lente et tardive vers la prise en compte de l’égalité des femmes et des hommes, le rappel des lois explicitement sexistes (code civil napoléonien de 1804, suffrage masculin, notion de devoir conjugal – et sa possible transformation en viol conjugal, interdiction de la contraception et de l’avortement…), la rédaction entièrement rédigé au masculin de la constitution et la notion de « Droits de l’Homme » et le refus de sa substitution par les droits des êtres humains…

Les auteurs et autrices poursuivent avec des actes et pratiques sexistes « contre une femme, plusieurs femmes ou toutes les femmes » :

la production, publication, partage d’un contenu sexiste (les « blagues », les remarques, les propos dévalorisants, les contenus sexistes publicitaires, le marketing inégalitaire, les clichés sur le rose et le bleu, les humiliations au quotidien,…

le traitement médiatique des violences faites aux femmes (circonstances décrites comme un lien de cause à effet, dilution de responsabilité entre violeur et victime…

le sexisme dans les décisions de justice…

la sur-occupation de l’espace par les hommes et l’exclusion des femmes (les cours de récréation, le mansplaining et le manterrupting, l’étalement comme dans le transports en commun, les investissements dans les espaces sportifs de fait non-mixte et réservés aux garçons)…

le plafond de verre au travail, l’assignation à la maternité, le non-partage des charges domestiques, les mariages forcés, les pratiques sexistes dans les actes gynécologiques et obstétricaux, l’atteinte à l’autonomie des femmes…

les pratiques discriminatoires (discriminations directes et indirectes, discrimination systémique)…

les atteinte à l’intégrité corporelle : actes blessants physiquement (coups et blessures, agressions sexuelles, viols, mutilations sexuelles, meurtre en raison du sexe – féminicide…

Ces normes, ces actes et ses pratiques ont des conséquences multiples sur les femmes qui sont détaillées. Je souligne la dévalorisation et la baisse d’estime de soi, l’auto-censure, les stratégies d’évitement, les conduites à risque dissociantes, les troubles du sommeils, les blessures…

La première partie se termine sur un état du Droit, les évolutions de la législation.

La seconde section concerne la mesure du sexisme, les données disponibles, les enquêtes. Les auteurs et autrices font ressortir la prévalence massive du sexisme, les évolutions de compréhension, les mobilisations de femmes et les outils de popularisation (par exemple sur Internet). Iels insistent sur le niveau faible, très faible, des dénonciations (dépôts de plainte, recours auprès d’instance comme le Conseil supérieur de l’Audiovisuel) et la forte impunité des hommes mis en cause…

Iels reviennent sur la place du sexisme dans l’humour et l’injure, un « moteur central » et une « imbrication récurrente », une arme des dominants contre les dominées. Sont abordés, entre autres, le renforcement des clichés et des assignations sexuées, la légitimation des inégalités, la dévalorisation de l’image que les femmes ont d’elles-mêmes, la construction d’un cercle de connivence masculiniste, la minorisation de la présence des femmes, leurs paroles systématiquement interrompues, la sexualisation du corps des femmes et la réduction des femmes à leur apparence et à leur corps, la disqualification de leur parole et de leur être social, les injures et les agressions sexuelles, les évolutions dans la perception des faits, le prétexte de la liberté de création ou de la libre expression. Les femmes sont disqualifiées et injuriées parce qu’elle sont des femmes. Elles sont réduites à des objets sexuels. Cette violence, car il s’agit bien d’une violence systémique, à des effets multiples…

Comme je l’ai rappelé plus haut, le combat pour l’égalité passe par la modification de l’ensemble des conditions matérielles de vie et de travail des femmes. Il faut donc à la fois dégager – un choix politique et démocratique – des moyens (incompatibles avec la réduction des services publics et l’idée de chacun·e entrepreneur·e de soi, si chers au néo-libéralisme) et favoriser l’auto-organisation et l’auto-détermination des femmes. La lutte contre le sexisme ne peut se résumer ni à une lutte « idéologique » ni à des mesures qui ne favorisent pas l’action propre des femmes. Ce qui ne signifie pas que les recommandations proposées par le HCE ne puissent devenir un outil de mobilisation.

Didier Epsztajn

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